Tous dans le même filet
Mon voisin est amusant. Il y a souvent de jolis oiseaux qui passent chez lui. Toutefois, il ne cause aucun trouble et respecte les gens de l’immeuble. Il me semble qu’il consomme plutôt avec sa femme et si l’occasion le permet, il arrondit ses fins de mois. J’ai appris avec surprise qu’il avait été condamné comme un gros poisson alors que son cas semblait plutôt anodin. Le tarif des peines pénales peut-il lui aussi s’avérer stupéfiant?
Xav, Meyrin
Une succession de petites infractions peut effectivement conduire à une grosse condamnation.
Drogues
En droit suisse, la loi sur les stupéfiants (LStup) punit la consommation, la détention et surtout le trafic de drogues, avec une sévérité qui varie selon la gravité des faits. L’accumulation de petites quantités de drogues vendues ou échangées peut suffire à qualifier une infraction de «cas grave» si le total dépasse un seuil fixé par la jurisprudence. Ce n’est donc pas la taille de chaque opération qui compte, mais son effet cumulé.
Notre Tribunal fédéral a par exemple jugé que lorsqu’un individu revend régulièrement de petites quantités de cocaïne, il ne suffit pas d’examiner chaque vente isolément. Même si aucune transaction ne franchit à elle seule la ligne rouge – fixée différemment selon la drogue considérée – leur addition peut démontrer un risque pour la santé d’un grand nombre de personnes, ce qui suffit à retenir un cas grave selon l’art. 19 al. 2 let. a LStup. Et cela même si ces ventes sont faites à différents moments, en différents lieux et sans coordination apparente. Le droit applicable en la matière privilégie ici une lecture globale des faits, tenant compte à la fois du volume total et de la conscience que l’auteur pouvait avoir du danger collectif causé par ses agissements.
Trafic
Dans le cas que vous citez, les autorités pénales ont vraisemblablement estimé que, même si les quantités impliquées dans chaque échange paraissaient pour certains anodines et que l’ambiance chez votre voisin semblait conviviale, l’ensemble des actes révélait une activité de trafic suffisamment importante pour justifier une qualification sévère. Le fait qu’il consomme aussi en couple ou que ses clients soient de passage ne le protège pas d’une condamnation si l’ensemble de ses agissements dépasse les seuils tolérés.
Une telle décision peut vous surprendre dans sa rigueur, mais elle résulte d’une juste application du critère de mise en danger de la santé qui ne tient naturellement pas compte du caractère agréable et discret de l’intéressé! Elle s’inscrit au contraire dans une volonté assumée de la justice suisse de décourager les microtrafics répétés qui, mis bout à bout, alimentent le marché noir et ses conséquences sanitaires.
En résumé, même les petits poissons peuvent finir dans les filets de la justice s’ils nagent trop souvent dans les mêmes eaux troubles.